HABITER : thème des ateliers Albums des 23 et 30 Mai
La maison, dans la vie d’un enfant (mais aussi d’un adulte) occupe une place capitale. Parler de sa maison, c’est aussi parler de soi.
Présenter sa maison, qu’on soit un chat ou un enfant (comme dans Ma maison de Byron Barton ou dans celle de Laëtitia Bourget), c’est présenter une part importante de sa vie. Plus subtile, plus complexe, La maison en petits cubes nous introduit, événement après événement, dans le déroulement de toute une vie.
La relation avec la maison est si importante que la nécessité d’un déménagement est ressentie comme un bouleversement, un arrachement : c’est ce que vivent la petite Gertie dans La maison des yacks et la famille Loulou de Panique au village des crottes de nez.
Cependant, tout le monde n’a pas la même maison. Certains albums nous invitent à connaître la diversité des maisons, que ce soit celles des animaux (Qui habite ici ?) ou celles des pays étrangers (Et toi, où habites-tu ?)
Mais la maison traduit aussi un choix de vie. Doit-on se fondre dans l’uniformité générale (La lumière allumée) ou donner libre cours à sa personnalité ? Doit-on vivre en respectant la nature ou en la soumettant aux lois du profit (Forêt des frères) ? Que feront les hommes de leur maison commune, la Terre (Ici, c’est chez nous) ?
Ma maison et moi
Ma maison. Byron Barton. Ecole des loisirs. (Bibl. LFL31)
Il y a tout ce qu'il faut pour être heureux dans cette belle maison de toutes les couleurs. Un jardin, des arbres tout autour, des fleurs. Qui est sur le toit ? C'est Jim, le chat tigré, qui nous fait faire le tour du propriétaire et nous dit le nom de chaque chose. Les couleurs, les images et les mots simples, sur des situations élémentaires de la vie, ont un impact très fort sur l’enfant, en lui permettant de nommer ce qui fait son entourage immédiat. Un merveilleux livre pour les tout petits. Il faut le lire, le montrer, car le premier contact avec le livre est un acte essentiel, primordial. A partir de 18 mois.
Ma maison. Laetitia Bourget/Alice Gravier. Le Grandes Personnes. (Bibl. LFL31)
Dans ce bel album en accordéon de 4 m de long (un leporello, pour les connaisseurs) l'enfant prend le lecteur par la main et l'entraîne sur le chemin de sa maison. Au recto, on traverse le village, le pont, on longe la rivière, la place du village... et l'on découvre la maison, nichée dans la verdure. Au verso, on pénètre dans la maison, on en visite toutes les pièces. Une étonnante fresque qui fourmille de détails. Le livre peut être déplié au sol, en rond, pour entrer « dans la maison ». Le dos du livre présente tous les détails qu'il faudra retrouver à chaque page, par exemple : le bocal à céréales, une chaussette, la poupée.... Un bel album tout en couleurs pour apprendre à observer et rêver. Une lectrice nous raconte son expérience très intéressante avec les primo-arrivants (classes UPE2A). A partir de 5 ans.
La maison en petits cubes. Kenya Hirata/Kunio Katö. Nobi Nobi.
Dans une ville entièrement immergée, un vieux monsieur résiste encore et toujours à la montée du niveau de la mer. Chaque fois que l'eau atteint son plancher, il est obligé de bâtir une nouvelle maison par-dessus la précédente, si bien qu'au fil du temps son logis a fini par ressembler à une immense pile de petits cubes. Un jour, alors qu'il s'est encore une fois lancé dans la construction d'une nouvelle demeure, ses outils tombent tout au fond de l'eau. Il enfile sa combinaison pour aller les repêcher, et au fur et à mesure qu'il descend à travers ses anciennes maisons, de lointains souvenirs lui reviennent en mémoire. Difficile de résister à cette allégorie sur la vieillesse et le temps qui passe ! Chaque étage de la plongée correspond pour le vieil homme à moment marquant de sa vie, du plus récent au plus ancien : la mort de sa femme, une fête rassemblant ses enfants et ses petits-enfants, le mariage de sa fille et sa naissance, bien des années plus tôt… Cet album plein de poésie, de douceur et de tendresse, a été inspiré par le film de Kenya Hirata lui-même, film récompensé par le prestigieux Oscar du meilleur court-métrage d'animation. A partir de 7/8 ans.
Changer de maison
La maison des yacks. Lu Fraser/Kate Hindley. Little Urban. (Bibl. LFL31)
Après Le plus petit yack et Le bébé yack, Lu Fraser continue sa série pour le plus grand bonheur des petits, qui découvrent un animal bien rare dans les albums pour enfants. Un animal et son environnement : ici, c’est parce que le printemps arrive avec ses chaleurs que la petite tribu des yacks est obligée de déménager vers des sommets plus froids. Notre Gertie fait face à sa plus GRANDE peur : déménager dans une nouvelle maison ! Les questions se bousculent dans sa tête. Aimera-t-elle cet endroit ? Pourra-t-elle emmener TOUTES ses affaires ? Y aura-t-il assez de place ? Prise de panique, elle finit par oublier l'essentiel... Les dessins sont une nouvelle fois très drôles, colorés et pétillants, avec en plus un très beau camaïeu de couleurs dans les bleus, rouge, blanc, gris. Comme dans les autres albums, une grande place est faite à l’esprit d’enfance dans cette aventure drôle et cocasse, et surtout on apprécie une héroïne très attachante avec notre petite yack qui a un sacré caractère ! A partir de 5 ans.
Panique au village des crottes de nez. Mrzyk et Moriceau. Les Fourmis rouges. (Bibl. LFL31)
Au village des crottes de nez, la famille Loulou (Henri, Josiane, et leurs enfants Mimosa, Tina et Bernard) habite une jolie maison-nez. Tout va super bien, jusqu’au jour où la maison-nez de Papy-Boulette est saccagée par un doigt géant… La panique envahit le village, et la famille Loulou décide de s’exiler vers un lieu où jamais le doigt ne pourra les trouver. Aidée par une mouche agent immobilier, ils se lancent dans l’exploration du pays afin de trouver la maison idéale où s’installer. Dans cet album irrésistiblement drôle, Mrzyk et Moriceau nous embarquent dans une aventure rocambolesque et totalement loufoque. Les personnages verts et tout en rondeurs sont hilarants et raviront indéniablement les petits lecteurs (sans parler du côté « caca boudin » de l’histoire). Les paysages enchantés du pays des crottes de nez prennent vie dans un graphisme riche et coloré, inspiré de l’illustration des années 70, très proche de l’univers des Barbapapas ou des Moomins. A partir de 5 ans.
Les diverses maisons
Qui habite ici ? Jürg Lindenberger. L’agrume.
Qui sont ces animaux qu'on aperçoit derrière leurs fenêtres ? Pour le savoir, tourne la page et découvre qui habite dans ces drôles de maisons. Le soleil se lève derrière les montagnes. Bonjour la forêt ! Qui peut bien vivre ici ? Allons voir de plus près... Qui habite dans cette drôle de maison-sapin, tout en hauteur ? C'est Johnny l'écureuil ! Il prend son petit-déjeuner, il a l'air de bien se régaler. Qui habite dans cette curieuse maison près de l'eau, avec son gros tuyau ? C'est la famille Grenouille ! Baignoires à tous les étages, ils s'amusent comme des fous. Qui habite dans cette maison qui ressemble à un volcan ? C'est la famille Fourmi. Les grands sont encore bien occupés aujourd'hui... Un livre-jeu avec des découpes qui montrent les visages des animaux habitant chaque maison. Quand on tourne la page, on découvre l'intérieur de chaque habitation, adaptée à chaque animal ! Un album joyeux. A partir de 2/3 ans.
Et toi, où habites-tu ? Gaïa Stella. La joie de lire. (Bibl. LFL 31)
Chaque double image de Et toi où habites-tu ? représente une ville et donne quelques détails de la vie de ses habitants : chez Marek ça sent le poisson fumé, chez Lucia les maisons ont les pieds dans l’eau, Anna et Guillaume arrivent toujours à l’heure et Jeffrey vend des donuts. Comme des indices pour le lecteur, qui doit deviner de quelle ville il s’agit : New York, Lisbonne, Rio, Moscou, Paris etc. Les dessins naïfs et colorés, justes et détaillés de Gaia Stella, offrent un tour du monde subtil et décalé pour rêver d’ailleurs. Un album particulièrement apprécié par les lecteurs de UPE2A (classes de primo-arrivants) qui peuvent ainsi faire une place de choix aux cultures étrangères. A partir de 7/8 ans.
La maison comme mode de vie
La lumière allumée. Richard Marnier/Aude Maurel. Frimousse.
« Voici ma ville, une ville sans surprise et sans histoire. Dans mon quartier, chaque maison a une porte, deux fenêtres et un toit rouge, bien régulier. Chaque porte a une poignée et une serrure bien huilée. Chaque fenêtre est encadrée de deux volets gris, bien épais. » Un jour, pourtant, une des demeures se différencie. La lumière reste allumée la nuit et les volets fermés le jour, montrant ainsi une activité pour le moins étonnante voire inquiétante. Lorsque l'occupant s'en va, la maison se dégrade et disparaît. Mais à son retour, il reconstruit un nouveau logement avec des matériaux dépareillés qui proviennent de ses voyages. Les voisins, d'abord outrés, introduisent peu à peu de la fantaisie dans l'apparence de leur logement... L’illustratrice joue de l’effet des maisons alignées comme du papier peint pour aboutir à une refonte ludique des façades se déstructurant petit à petit ici et là. Les jeunes lecteurs s'amuseront à repérer la maison qui cèdera au goût des volets bleus, celle qui fera construire des toilettes à son dernier étage et celle qui optera pour des tourelles d'angle. Mais au-delà du jeu, on appréciera cet album qui porte sur la tolérance, l'anticonformisme, le droit à la différence, la mixité, l'ouverture sur le monde et les autres... A partir de 5 ans.
Forêt des frères. Yukiko Noritake. Actes Sud junior.
Au commencement, il y a deux frères : un sur chaque page. Chacun hérite de la moitié d’une forêt. Dans chaque forêt une mystérieuse jeune fille est là pour les accueillir, symbole de l’esprit de la nature. Le premier frère s’installe petit à petit, il découpe quelques arbres pour construire une cabane, il pêche quelques poissons. Le second frère, lui, a de grands projets. Il construit une immense villa, il invite tous ses amis à le rejoindre, il voit dans les ressources qui l’entourent le moyen de s’enrichir. Tout à son travail, il ne remarque même pas que la jeune fille qui restait à ses côtés au début a fini par s’enfuir... Peu à peu, les deux forêts évoluent. L’une reste telle qu’au commencement, vivante et sauvage ; l’autre se transforme, peu à peu, pour devenir finalement, à la fin du livre, une véritable petite ville... On notera les différences d'attitudes entre les deux frères et les développements contradictoires qu'elles engendrent : "se faire une petite place"/"faire de la place", faire avec ce qu'on a"/"faire ce qu'on fait ailleurs", "admirer le résultat"/"faire voir le résultat", "se nourrir"/"s'enrichir".... Cela soulèvera une question pas si simple : quel mode de vie adopter pour l'avenir ? On s’interrogera sur le devenir de l'homme et l'avenir de la planète. Une belle œuvre de Yukiko Noritake, jeune illustratrice d'origine japonaise, dont le travail délicat, poétique et soigné met en avant sa grande sensibilité. A partir de 8/9 ans.
Ici, c’est chez nous. Stéphane Servant/Carole Chaix. Rue du monde.
« Ici, on pousse les murs quand il y a des nouveaux et on enlève le toit pour mieux voir les étoiles. Ici, on s'aime et on se dispute dans toutes sortes de langues. Ici, on vit ensemble et on sait qu'il faut faire attention si on veut que ça dure encore... » Un album allégorique proposant de suivre les évocations poétiques des étapes de la vie, celle de chacun, mais aussi celle de l'humanité qui a investi cet "Ici", la Terre, de ses rêves, ses conquêtes, ses transhumances et ses explorations, guidée par un désir d'espace ou de découverte, par la curiosité, l'amour, mais aussi par la haine, en voulant toujours aller plus loin, même au-delà des nuages et de l'horizon, mais en oubliant aussi parfois que "chez nous tous, c'est ici" et qu'il ne faut pas en ignorer la fragilité. Des illustrations oniriques, tour à tour minimalistes ou foisonnantes de détails, sombres ou gaies, réalisées à la plume et aux crayons de couleur, incorporant ici et là quelques éléments de collages à des croquis assemblés de manière surréaliste, en assurent le volet visuel. A partir de 7/8 ans.